Quand nous avons organisé la prise en charge d'Isaline dans les instituts éducatifs pour les enfants en grande dépendance voici 5 ans, Sabine et moi avons compris qu’il fallait faire le deuil d’une enfance normale pour notre fille. Elle était toute jolie, mais devenue incapable de rien. Nous étions inconsolables, mais résolus à faire du mieux qu’on pouvait. À tout prix. À cette époque, en plus de la documentation sur le rétablissement du polyhandicap dû aux troubles cérébraux, j’ai ressenti le besoin de lire des livres rédigés par des personnes qui avaient perdu leur enfant. Pour aller au fond des choses, pour confronter ma peine à d’autres occurrences, et aussi parce que de façon inimaginable, pendant longtemps, j’avais cette impression de deuil en tenant ma fille vivante dans les bras. Vraiment j’étais perdu, mais c'est passé grâce aux progrès fulgurants, parce qu'on est passé par le point zéro, et parce que le temps apaise tout.
Je me souvenais d’avoir lu « Oscar et la dame en rose » il y a très longtemps. Ce n’était pas rédigé par des parents, mais c’était bouleversant. Et puis on m’a parlé de « Gaspard entre ciel et terre », et aussi de la force incomparable d’Anne-Dauphine Julliand, qui a perdu ses deux enfants du milieu parce qu’elles étaient frappées par une maladie neuro-dégénérative. Ce n’était pas mon contexte précisément, mais nos combats nous unissaient. J’ai puisé dans la littérature de cette maman pour trouver du courage et de la vaillance. Surtout sur le plan religieux; j’aspire un jour comme elle à en vouloir à la vie tout en ressentant la compassion de Dieu, mais pour l’instant, par manque de sagesse et parce qu’Isaline est laborieusement en devenir, j’en veux à Dieu que j’engueule copieusement – faut bien que quelqu’un prenne.
J’apprends aujourd’hui qu’Anne-Dauphine a été confrontée à l'impensable il y a deux ans : leur fils aîné n’a plus compris le sens de son existence après avoir vu partir ses deux petites sœurs dans des conditions indescriptibles, et s'est suicidé la veille de ses 20 ans. J’avais entendu parler du sentiment de culpabilité des survivants lors du témoignage d’un étudiant qui avait survécu au Tsunami en Thaïlande, et pas ses copains. Il avait souvent voulu les rejoindre par équité. Je ne suis pas dans la confidence du cœur du frère aîné de Thaïs et d’Azilis, mais j’envoie, jamais trop tard, tout ce que mon âme peut exprimer comme réconfort à sa maman.
Une copine a découvert l’existence du blog et m’a dit : « c’est trop bien ce que vous faites, quand Isaline le lira plus tard elle se rendra compte de tout ce que vous avez mis en oeuvre pour elle ». C’est le genre de phrases qui réchauffe le cœur et qui bouscule les réalités de l’espace-temps. Mais faut pas oublier les frangins.
Je me suis rendu compte que les deux frères d’Isaline, qui ont 9 et 5 ans, liront certainement aussi ces lignes à un moment de leur existence; je veux leur rendre hommage parce qu’ils ne vivent pas l’enfance typique du grand frère et du petit frère, mais il faut bien reconnaître que leur insouciance et leur naturel d’enfants nous facilitent la vie. Mes bonhommes, vous êtes la raison pour laquelle votre maman et moi nous sommes rappelés qu’il fallait envisager d’avoir une vie de famille débordante, et que la voie du bonheur était encore ouverte. Vous êtes le moteur de la réapparition des éclats de rires dans nos vies, et vous êtes confrontés à des impératifs auxquels vos petits camarades ne comprennent rien. Vous avez le droit au meilleur, et c’est une joie d'apprendre à redevenir nous-mêmes grâce à vous et avec Isaline. Malgré tout. En dépit de tout.
Mathilde a raison, « une vie de famille débordante « est la phrase clé de ce texte bouleversant.
J’ajouterai « et que la voie du bonheur est toujours ouverte »
Vos 3 têtes blondes irradient de votre Amour. Les rires, l’insouciance et la joie de vivre des uns, compensent la lucidité, l’inquiétude et les efforts des autres.
Le partage est au cœur de vos vies.
Le blog est au cœur de nos vies.
Le sourire, la beauté et les progrès d’Isaline est la récompense pour tous Merci Sabine ! Merci JB!
LoV
Ton texte me bouleverse par sa beauté sa lucidité sa sincérité et profondeur
Merci de nous permettre de suivre la vie d’Isaline Tes fils pourront lirent et comprendre dans quelques années le long chemin depuis ce 30 août 2018
Oui vous avez le droit de vous révolter. Oui tu peux engueler Dieu(Il a les épaules assez larges ) Il comprend votre révolte
Je vous embrasse tous les cinq
Marie Laure
“Une vie de famille débordante”, il n’y a pas de meilleur terme pour vous décrire. Vous débordez d’amour, d’énergie, de joie de vivre et de courage. Et nous, nous débordons d’admiration pour la façon dont vous surmontez ces épreuves et vous gérez votre quotidien. Merci d’entretenir ce blog, c’est un privilège de pouvoir suivre votre histoire qui, toutes les deux semaines, nous offre tant par la puissance de vos mots que par le sourire irrésistible d’Isaline sur les photos, une véritable leçon de vie et d’amour inconditionnel.
Merci pour ce témoignage plein d’amour bouleversant, d’une lucidité émouvante.