Samedi 15 juin

Le 20 septembre, trois semaines après son accident, Sabine et moi étions en quête d'un thème qui pouvait illustrer une gradation et nous avions choisi la météo. L'état d'Isaline avait été inquiétant. Nous ne savions pas comment juguler les troubles neurologiques qui crispaient ses jambes de façon incontrôlée en la faisant beaucoup souffrir et éclater en sanglots continuellement. Quand sa greffe a eu lieu, et que les douleurs post-opératoires se sont dissipées, l'adversité prenait un peu meilleure tournure et nous évoquions une "accalmie". Le 27 septembre, quelques moments difficiles passés et l'accoutumance au plâtre aidant, on avait pu utiliser "éclaircie", parce que malgré tout ce qui restait à faire, le mécanique était enfin réparé.

Dix mois après, je suis soulagé et heureux de pouvoir enfin parler "d'embellie"; ça a été long à venir, mais enfin, c'est acquis. Nous avons eu quatre nuits complètes consécutives parce que nous n'avons plus utilisé la pompe d'alimentation depuis trois semaines pour passer du lait synthétique, et Isaline n'est plus nourrie dans son sommeil. Elle prend tous ses repas à la cuillère ou au biberon, ne sollicitant sa gastrostomie que pour compléter en eau ce qu'elle n'a pas envie de boire par la bouche. Notre prochaine échéance est de lui faire boire suffisamment, et de désépaissir progressivement ce qui se trouve dans ses verres à encoche. Son port de tête est un peu mieux assuré, elle fait maintenant des "tope-là" de la main gauche. L'arsenal de moyens ergonomiques mis à sa disposition finit par la positionner un peu mieux et lui réapprendre très lentement sa coordination.

Le docteur homéopathe a sorti de sa besace une cordelette blanche avec des perles de couleur pour corriger le léger strabisme en rectifiant le point de focalisation pour que le cerveau ne fasse pas, à terme, abstraction des données défectueuses d'un côté. Elle repère bien l'élément suspendu, et évalue de mieux en mieux la distance devant son champ de vision. Côté incision ventrale, on ne s'en occupe plus trop, et c'est pas trop mal.

Ses matinées à l'école du village sont enrichissantes et celles en institut spécialisé sont très ciblées. Son programme pédagogique est un peu à cheval; Isaline n'est pas à proprement handicapée, parce que ses capacités sont réelles et son champ des possibles pour l'instant illimité, mais elle n'est évidemment pas comme les petites filles de son âge parce qu'il lui faut rattraper, à son rythme, un nombre incalculable de fonctions cognitives.

L'été arrive, Isaline chérie