Vendredi 1er mai

Les progrès d’Isaline sont à présent du domaine du perceptible. On la surprend à genoux sans appui de ses membres supérieurs au sol pour regarder ce qu’elle tient dans l’une de ses mains. Elle envisage d’attraper les choses du bout des doigts plutôt que maladroitement à pleine main. Elle prenait appui avec le bras sur le rebord de son lit à barreau et passait la tête par-dessus, restant coincée, en pleurant de s’étouffer un peu, nous avons baissé son sommier. Sur l’air de "if you’re happy an you know it clap your hands"nous chantons “si tu aimes le soleil“ et on lui demande de faire une dizaine de choses, comme "touche ton nez", "claque ta langue" ou encore "attrape tes doigts", cette dernière opération n’étant pas encore acquise.

Elle connait ses couleurs. Ces derniers temps, distanciation oblige, elle passait son temps d’éveil cognitif sur zoom. Par écrans interposés, son éducatrice lui a demandé de placer des petits objets de couleur vive dans une boîte de la même couleur. Elle s’exécutait à l’imitation, et à la directive, mais sans encore être capable de prendre. Cependant, pour placer, elle choisissait la bonne boîte. Depuis avant-hier, elle a recommencé le contact physique avec sa physiothérapeute qui suit la méthode Padovan; elle a plus de force dans les jambes, et prête plus attention à ce qui lui arrive. Nous travaillons notamment le souffle et la dextérité du pouce. Depuis 2 ans, elle se laissait faire. À présent il me semble qu’elle regarde ce que nous faisons et s’en amuse. On lui ferme le poing avec le pouce alternativement à l’intérieur, à l’extérieur, ou en position d’auto-stop avec à chaque changement, la main plate. Elle ne sait pas reproduire, mais s’interroge sur cette étrange gymnastique.

L’ostéopathe peut à nouveau la manipuler. Elle n’apprécie pas trop mais c’est normal. Je continue ma question quotidienne du comment tu t’appelles?" et les résultats sont inégaux, mais le plus fréquent est "Yaïn" dans un sourire. Sa gastrostomie s’est fait oublier depuis deux semaines, elle est apaisée sur ce plan là.

Nous avons quelques routines familiales auxquelles elle prend part avec entrain : l’un de ses frères commencera à taper du poing sur la table et nous nous y mettrons tous, faisant tinter les couverts sur les assiettes. Isaline suivra le mouvement de la main gauche, consciente que ce chahut est un peu rigolo. Ou alors nous entrelaçons nos petits doigts en ronde encore assis à nos places, et nous nous balançons de gauche à droite en un grand cercle en disant « yo-yo » quatre fois avant de lever les bras dans un « iou » conclusif. Succès garanti. Isaline prend sa place dans le bloc, et participe avec plaisir. Elle a ses limites et ses spécificités, mais elle s’inscrit pleinement avec nous.